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Portrait de leader

Une carrière consacrée à montrer la beauté

25 septembre 2008

Josée Beaudoin

Entre les branches, on peut entendre ces murmures… «J'aimerais ça imiter les oiseaux comme André Cyr.» «J'aimerais ça prendre des photos comme André Cyr.» «J'aimerais ça en savoir autant sur les oiseaux qu'André Cyr.» Devant ces murmures persistants, notre leader est bien obligé d'admettre qu'il fait sûrement des choses que d'autres ne font pas ou, qu'à tout le moins, il les fait autrement. Portrait d'un homme qui répond à cette citation de Stendhal : «La vocation, c'est d'avoir pour métier sa passion.»

L'imitateur

Depuis toujours, non seulement André Cyr observe-t-il les oiseaux, mais il les attire. «Je ne peux pas décrire la sensation qui m'habite quand j'établis un contact personnel avec un oiseau. Cela va bien au-delà de la science. C'est littéralement fantastique», explique celui qui est professeur d'ornithologie à l'Université depuis 30 ans maintenant. Quand on remonte aux racines de sa passion, on découvre que ce n'est pas un oiseau en particulier qui l'a impressionné, mais plutôt un curé. «Vers l'âge de 11 ans, j'ai rencontré un curé dans un camp de vacances qui imitait les oiseaux. S'il est capable, je le suis aussi, me suis-je dit.» Ce défi d'enfant est devenu serment. Aujourd'hui, André Cyr peut imiter plus d'une centaine d'espèces avec une précision qui fait tourner bien des têtes, avec ou sans plumes.

Si ses imitations ont tout pour épater la galerie, elles ont aussi des vertus pédagogiques éprouvées. Imaginez la scène… Le professeur est dans le bois avec 20 étudiants qui font de l'observation en avançant dans un sentier étroit. Un oiseau tranquille perché s'envole à l'arrivée des troupes. Seuls les premiers du peloton ont la chance d'admirer le spécimen. André Cyr regroupe alors tout son monde dans une éclaircie puis il reproduit le chant de l'oiseau en question. Ce dernier revient. C'est une Petite Buse. Tout le groupe la voit. Eh voilà le travail!

Le vulgarisateur

L'impulsion de partager ses découvertes, André Cyr l'a eue vers 15 ans. «Je me promenais dans le bois en observant les oiseaux et, tout à coup, je me suis dit : c'est trop beau; je ne peux pas garder cela pour moi. Il faut que j'en parle!» Son souhait d'adolescent a eu des échos partout, tant auprès des scientifiques que du grand public. Si en regardant sa photo, vous avez une impression de déjà-vu, c'est peut-être à cause de ses apparitions comme chroniqueur dans la série télévisée 1-888-OISEAUX à Radio-Canada ou encore à cause de ses capsules diffusées sur les ondes de Météomédia. Comme en témoignent ceux qu'il rencontre et qui le reconnaissent, la télé lui a permis de rejoindre toutes sortes de gens et de les initier à la science par le biais de la beauté.

L'auteur

En plus d'avoir fondé et présidé la Société du loisir ornithologique de l'Estrie, André Cyr a eu la plume prolifique, notamment avec son Atlas saisonnier des oiseaux du Québec (1995), un ouvrage qu'il a mis 11 ans à concevoir et qui marie son esprit scientifique à son âme d'artiste. Au tableau de ses grandes fiertés figure aussi sa participation à la traduction du célèbre guide des oiseaux de Roger Tory Peterson, un volume considéré comme la bible des ornithologues. André Cyr a rencontré monsieur Peterson à plusieurs reprises et ce dernier a même intégré l'information cartographique de notre leader, en ce qui a trait à la répartition des oiseaux au Québec, dans la dernière édition de son guide des oiseaux de l'Est de l'Amérique du Nord.

Le professeur

Au Département de biologie, André Cyr a souvent fait figure d'oiseau rare. «J'ai un collègue qui a déjà dit de moi : Il n'est pas comme nous autres, mais il fonctionne!» raconte-t-il en riant. Au fil des ans, le professeur a introduit de nouvelles façons de faire. Par exemple, au terme de travaux en laboratoire, il a demandé à ses étudiants de faire une affiche plutôt qu'un rapport pour présenter leurs résultats. Étonnés, les autres professeurs et étudiants sont vite entrés voir ce qui décorait les murs du labo. Par la suite, au moins six de ses collègues ont repris l'idée. La singularité du précurseur s'est aussi exprimée dans les examens qu'il a préparés. «Lors des examens, on demande aux étudiants de dire ce qu'ils ont appris, mais on ne poursuit pas nécessairement la réflexion. Pour ma part, je surveille rarement un examen en cherchant quelqu'un qui copie. L'étudiant ne peut pas copier, il faut qu'il réfléchisse.»

Leader à l'honneur

Le 27 septembre, le regroupement Québec Oiseaux remettra à André Cyr le prix Charles-Eusèbe-Dionne pour souligner sa contribution exceptionnelle à titre de scientifique et de communicateur chevronné. Même s'il a reçu plusieurs distinctions au cours de sa carrière, notre leader est loin d'être insensible à l'hommage que la communauté ornithologique québécoise s'apprête à lui rendre. «J'ai versé quelques larmes quand je l'ai appris», dit-il. André Cyr est seulement la 3personne à recevoir ce prix prestigieux, nommé à la mémoire du premier véritable ornithologue québécois, Charles-Eusèbe Dionne, dont l'œuvre maîtresse a été publiée en 1906.

Chanceux?

Même si le professeur a donné ses derniers cours à l'Université au printemps, il poursuit ses conférences, ses observations, ses imitations, ses photographies, ses écrits. Aux yeux de plusieurs, le mystère le poursuit aussi… Cette fois encore, imaginez la scène. Il est dans les Everglades et il aperçoit un Héron vert entouré de plusieurs observateurs et photographes. L'oiseau est complètement immobile. «Quand je vais revenir, cet oiseau va faire quelque chose pour moi», se dit André Cyr intérieurement. Il revient une demi-heure plus tard, s'installe et, dès qu'il est prêt à déclencher son appareil, le héron ramasse son poisson et notre photographe le croque sur le vif. Sa photo fait la une du 1er numéro de la revue Behavioural Ecology. Chanceux, diront certains. Toutefois, André Cyr a trop d'exemples du genre pour que son art repose simplement sur la veine. «On a beaucoup d'influence, mais comme on ne le sait pas, trop souvent on subit.» Convaincu que l'on crée ce que l'on pense, il explique sa «chance» par l'utilisation de son cerveau en rapport avec la mécanique quantique. Il demande, il reçoit. Vous êtes un brin sceptique? Allez voir ses photos… Leur beauté ne ment pas.